Reforme de la Recherche en France
"La réforme de la recherche en France fait l'objet de nombreuses critiques visant notamment le rôle du CNRS, appelé à perdre une partie de ses prérogatives."Ce n'est pas à un organisme si grand, si respecté et si puissant soit-il de définir la politique scientifique de notre pays", a déclaré cette semaine Nicolas Sarkozy, lors d'un discours en l'honneur du prix Nobel de physique 2007 Albert Fert.
Le chef de l'Etat, qui a répété qu'il voulait porter l'effort de recherche à 3% du PIB d'ici 2012 grâce à 15 milliards d'euros supplémentaires dont 4 milliards à la charge de l'Etat, a ajouté qu'il appartient au gouvernement et au parlement "d'attribuer l'argent public et de fixer les orientations stratégiques".
Interrogé par l'AFP, M. Fert s'est dit en désaccord sur ce point avec le président. "Il manque un maillon dans le raisonnement qui dit que le ministère définit des priorités et ensuite les universités opèrent la recherche", a-t-il jugé, ajoutant que "le CNRS a un rôle important, que c'est un outil qui fonctionne".
"Détruire l'outil qui marche en espérant que l'outil créé marche mieux est un peu dangereux", selon le physicien. Il rappelle qu'aux Etats-Unis, la National Science Foundation est plus qu'une agence de moyens puisqu'elle "coordonne la répartition des instruments chers dans les universités", et qu'en Allemagne, ce n'est pas tant dans les universités que dans les instituts (Max Planck) que sont menées les recherches du plus haut niveau.
Le prix Nobel s'est toutefois dit en accord avec les propositions du gouvernement pour faire évoluer le statut de chercheur.
"La mise en place de postes de chercheurs communs aux universités et au CNRS me semble une bonne chose en permettant aux chercheurs lorsqu'ils sont jeunes de participer à l'enseignement à l'université", a encore dit M. Fert.
Chez d'autres scientifiques, les propositions de M. Sarkozy sur le statut des chercheurs ont soulevé un tollé. Pour le président du collectif Sauvons La Recherche, Bertrand Monthubert, le président de la République "annonce, de fait, "la disparition du statut de chercheur".
Selon lui, "le nouveau statut est totalement flou" et "suscite consternation, perplexité et crainte".
Alors que M. Sarkozy affirme que "si peu de brillants esprits sont attirés par notre pays", M. Monthubert objecte que le CNRS "recrute de 20% à 25% de chercheurs étrangers tous les ans".
"Après le rapport Attali, le discours de Sarkozy confirme que nous sommes face à une déstabilisation effective de notre système de recherche", estime Sauvons La Recherche dans un communiqué appellant la communauté scientifique à se mobiliser.
Le Syndicat national des chercheurs scientifiques (SNCS-FSU) dénonce pour sa part dans un communiqué un ministère de la Recherche et de l'enseignement supérieur "qui ne donne pas que des orientations, mais élabore (comment ?) une politique scientifique qu'il impose aux organismes, qui à leur tour l'imposent aux universités".
Ce syndicat craint "sous couvert d'élitisme, un retour de 50 ans en arrière", avec un "retour en force du mandarinat, des clans, de l'opacité".
Un élitisme défendu par le gouvernement etsoutenu par un groupe de chercheurs de divers disciplines, dans une tribune au Monde mardi. Ces chercheurs insistent toutefois pour que les décisions en matière de recherche soient prises par des comités scientifiques indépendants du pouvoir politique.
Ils dénoncent ainsi le fait que l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui a la haute main sur le financement sur projets, ait "un conseil d'administration nommé par le gouvernement, mais nul conseil scientifique".
msn Actualités - AFP - mercredi 30 janvier 2008, 10h24